TEXTS

Leïla Simon, 2012

Texte écrit à l’occasion de la résidence dans le sémaphore du Créac’h à Ouessant

Le travail de Leïla Rose Willis s’édifie tout au long de traversées d’espaces-temps où l’écoute et
l’observation sont primordiales. Au cours et à la suite de ses voyages elle recompose les souvenirs, quelques fois les sort de l’oubli, les revisite. Une attention particulière est apportée à des détails que nos regards distraits ne parviennent plus à percevoir. Ses séjours, ses déplacements deviennent ainsi les supports à partir desquels va se développer son oeuvre.

Les dessins de Leïla Rose Willis, réalisés à l’occasion de sa résidence au Sémaphore du Créac’h,
découlent de ses promenades sur l’île d’Ouessant. Cette île au micro-climat est pourvue d’une
flore délicate pouvant également résister aux fortes intempéries. Suite à ces déambulations sur les
chemins côtiers Leïla Rose Willis dessine de mémoire cette flore à l’encre de Chine. Tel un journal
ou un carnet de voyage ses dessins rendent compte de ses découvertes, de son ou plus
précisément de ses passages sur cette île.

Nous retrouvons l’idée de déroulés de ses journées dans son choix de travailler sur un rouleau de
papier chinois de dix mètres de long sur trente centimètres de large. Cette avalanche de papier
rappel ce dédale de sentier serpentant l’île. Sa disposition évoque aussi les vagues, les remous
de l’Océan auxquels l’île et ses habitants sont sans cesse confrontés.
Les espèces végétales sont accumulées à l’instar de ces vaguelettes de papier. Cette disposition
sinueuse renforcée par cette abondance ne permet pas de les englober d’un seul regard ou de
les distinguer directement. Ce n’est qu’en se rapprochant que nous découvrons que les dessins
sont minutieux et délicats.

A travers sa démarche cette artiste s’approprie des pratiques traditionnelles et/ou les mêle à celles
d’autres cultures. Ce déroulé de dessin réalisé sur l’île d’Ouessant s’inspire des peintures
chinoises (Gakan) et japonaises (Emaki, etc.), évoque l’attitude des paysagistes du XIX siècle,
ainsi que celle des auteurs d’un herbier. Leïla Rose Willis « cherche (ainsi) à mettre en forme les
restes d’un ailleurs », à renouveler nos points de vue en faisant appel « à notre faculté
d’assemblage, d’association ». Elle nous propose, ici, un répertoire, une déclinaison de souvenir
floral, son herbier de l’île d’Ouessant sous la forme d’une poésie aux vers dessinés.
Leïla Simon est commissaire d’exposition indépendante et co-organise les évènements à l’Espace d’art contemporain Les Roches, Chambon-sur-Lignon.